Une relation houleuse
La majorité des femmes qui vient me consulter souhaite perdre du poids, car pour beaucoup, la diététicienne est encore synonyme d’amaigrissologue… Je me suis fait une raison, je les accueille dans leur démarche, avec beaucoup d’humilité face à leur souffrance.
Ce qui me frappe toutefois, après 20 ans de pratique, c’est que cette souffrance n’est pas proportionnelle au nombre de kilos! Bien souvent les femmes qui poussent ma porte présentent un problème AVEC leur poids et non un problème de poids, médicalement parlant. Que le problème soit de 5 kg ou de 30, il leur est insupportable de vivre avec ce corps qui ne correspond pas à ce qu’elles souhaiteraient.
Chaque passage devant un miroir engendre une multitude d’auto-reproches, chaque photo de soi est décortiquée de peur d’y apercevoir le moindre bourrelet, chaque moment passé entre femmes est l’occasion de se comparer et d’essayer d’évaluer si ses cuisses, son ventre, ses bras sont plus gros ou plus petits que ceux des copines…
Chaque proposition de sortie déclenche une alarme silhouette: je suis trop grosse pour aller à cet endroit, je n’oserai jamais me mettre en maillot et montrer mon ventre, mes cuisses, je vais avoir l’air d’un boudin parmi toutes ces femmes superbes… Que vont penser les gens de moi, je vais être ridicule!
Un torture de chaque instant.
On ne parle bien que de ce qu’on connaît
Ces pensées sont celles que mes patientes me partagent en consultation, mais pas que… Je les ai eues moi aussi, à de nombreuses reprises dans ma vie. Cela a commencé dès l’enfance et cela ne m’a pas lâché jusqu’à mes 40 ans!
Plusieurs évènements m’ont fait prendre beaucoup de poids, dont le dernier en date, mon burn-out avec +20kg au compteur. Comment être encore crédible en tant que diététicienne? J’avais passé toute ma vie dans le contrôle de mon corps et là il me lâchait complètement.
Pour sortir d’un burnout, il faut lâcher prise et analyser avec beaucoup de lucidité ses comportements: ceux qui sont énergivores et qui ne peuvent pas perdurer. Contrôler et haïr mon corps en faisait partie.
Accepter n’est pas abandonner
Comme mes patientes, je n’avais aucune envie de rester “grosse” (à mes yeux)! En réalité arriver à accepter son corps tel qu’il est, ne veut pas dire renoncer à améliorer son physique, il n’est pas besoin de renoncer à ses valeurs de beauté et d’esthétisme.
La subtilité, c’est d’en diminuer l’importance. Certes, ce corps serait plus esthétique (selon les critères de beauté actuels) avec quelques kilos de moins, mais il a besoin que je prenne soin de lui chaque jour, avec bienveillance, pour pouvoir m’emmener encore plus loin, à travers les années. Et n’est-il finalement pas plus sympa de vivre tous ces moments, avec le corps qu’on a, plutôt que de se les interdire par peur du jugement des autres?
Pfiou, c’est un grand pas quand-même, et il m’a fallu un peu de temps pour y arriver.
Se défaire des injonctions
Parfois, même quand le mental se dit qu’il serait bien d’accepter, notre environnement nous fait retomber dans nos anciens travers. Prendre conscience des injonctions qui dirigent notre désir d’un corps parfait est la première étape pour s’en détacher progressivement si elles ne nous servent pas.
Les diktats de la mode sont impitoyables et omniprésents
À chaque coin de rue, une affiche de femme au corps parfait (mais photoshopé!), à la télé, les présentatrices affichent toutes un IMC en dessous de 20, dans les films et les séries, même s’il y a des rondes, elles ont la peau lisse et ferme… Instagram, Tik Tok et Youtube ne sont pas en reste, avec des influenceuses qui nous font miroiter qu’en buvant du jus de céleri et en faisant quelques petits exercices chaque jour, nous arriverons à obtenir le même corps de rêve…
Pour notre société de consommation, obtenir le corps parfait devrait être le but ultime de chaque femme! Et imaginez tout ce qu’on peut vendre à des femmes qui souhaitent changer leur corps: régimes, médicaments, compléments, sport, articles de sport, crèmes et pommades, machines de massages (torture)…
Mince et en bonne santé
Foutu IMC! Qui ne l’a pas déjà calculé? Votre médecin vous pose peut-être des questions sur votre poids à l’occasion d’une visite de routine ou d’un bobo. Dès que l’IMC de 25 est dépassé, le milieu médical s’affole. Si bien que certains soins sont refusés aux personnes obèses, même si par ailleurs elles sont en bonne santé, ou encore que la perte de poids est une condition d’accès à une chirurgie.
Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit: il n’est pas toujours sain d’être en surpoids ou obèse. Ce que je veux dire, c’et que l’IMC n’est pas un bon indicateur de l’état de santé d’une personne. Statistiquement, elle aura davantage de risques pour sa santé au cours de sa vie. Mais depuis 2020, vous connaissez un peu mieux les statistiques et ce qu’on peut leur faire dire!
Le pourcentage de masse grasse, en lien avec le périmètre abdominal et le taux de graisse viscérale sont de meilleurs indicateurs de santé, malheureusement pas encore généralisés auprès de tous les médecins.
Nous sommes entrés dans une ère médicale et scientifique, une période régie par les chiffres et le mesurable. Nous sommes donc fortement influencés par les résultats annoncés par les médecins. Et s’il est évidemment judicieux de prendre soin de sa santé physique, il est toutefois aussi important de prendre en compte sa santé mentale. L’un ne devrait pas prendre l’ascendant sur l’autre.
Notre cercle proche
Parfois les injonctions se cachent aussi au sein de notre famille ou de notre cercle d’amis. C’est plus sournois et plus compliqué de parvenir à s’en détacher. Cela peut être une amie, obsédée par son poids ou qui critique son corps de manière virulente alors qu’elle est mince, cela peut-être aussi des remarques de la famille, des comparaisons avec une soeur, une cousine… Ou encore une maman qui avait pour habitude de critiquer son corps et de s’imposer ds régimes.
Le plus souvent, ce sont des indices que nous avons captés en tant qu’enfant, des discours implicites qui ne nous étaient peut-être pas destinés mais qui nous ont marqué profondément. Nous en avons déduit que notre corps n’était pas aimable tel quel et que les seuls à être valides sont ceux proposés par les médias.
Prendre soin
En s’éloignant des injonctions, en diminuant l’importance donnée à l’apparence du corps, il est alors possible de traiter son corps avec plus de respect. Là où il y avait du contrôle, il est plus doux d’y mettre du soin.
Quand il s’agit d’alimentation, plutôt que de se contrôler, de se restreindre, je propose de sentir ce qui est bon pour son corps, en se reconnectant à lui. Cela demande de prendre un peu de temps, de conscientiser les choses et de sortir du pilote automatique.
Par exemple, vous savez que si vous vous gavez de chocolat, vous n’allez pas vous sentir bien, ni physiquement, ni psychiquement, mais, qu’au contraire, un morceau de chocolat de temps à autre vous apportera beaucoup de plaisir. Il ne s’agit donc pas de laisser aller, vous l’aurez compris. Il s’agit de trouver le juste milieu entre le contrôle et le je m’en foutisme pour donner à son corps juste ce dont il a besoin.
Il en va de même pour l’activité physique. Si vous faites du sport de manière trop intensive, vous allez probablement vous blesser et je parie que vous ne prendrez pas beaucoup de plaisir à votre pratique. Apprendre à connaître son corps, savoir à quel moment lui donner du mouvement doux et à quel moment le challenger, c’est aussi prendre soin de soi avec bienveillance.
Passer d’un corps détesté, d’une recherche constante à le modifier, à un corps choyé pour ce qu’il est et ce qu’il nous permet d’accomplir aujourd’hui, est un chemin. Vous pouvez l’entreprendre seul, grâce à des lectures, des méditations, du journaling ou d’autres outils encore. Vous pouvez aussi vous faire accompagner par un thérapeute qui vous proposera des exercices, ou encore tester l’hypnose conversationnelle.
Si vous souhaitez entreprendre cette démarche en étant soutenue, je vous propose un atelier créatif exclusif, entièrement dédié à cette thématique. Pour en savoir plus, il vous suffit de cliquer sur ce lien: Apprivoiser son corps.
L’objectif n’est pas d’aimer inconditionnellement son corps chaque jour et à chaque minute, mais d’être suffisamment bon envers soi-même pour se foutre la paix, comme dirait Fabrice Midal. S’accepter physiquement, c’est apprendre à aimer des petites parties de soi, remercier certaines parties moins “aimables” et prendre soin d’elles. C’est pouvoir se trouver moche dans le miroir un matin sans que cela déclenche une tempête émotionnelle, se dire simplement qu’il y a des jours avec et des jours sans.
Mon remède pour les jours sans: la jolie tenue qui vous met en valeur (pour moi c’est une robe), ça va tout de suite mieux!
(À ce propos, je vous parlerai bientôt de l’importance de porter des vêtements à sa taille et qui vous mettent en valeur.)
Prenez bien soin de vous!